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Le 13 septembre a eu lieu à la Maison de la Paix à Genève, le Watch Forum 2022, un événement organisé par Watches and Culture, le département culturel de la Fondation de la Haute Horlogerie, en collaboration avec ethiwork, studio d’impact.
Le temps d’une journée, experts, scientifiques, dirigeants, activistes, se sont rassemblés avec à cœur d’inspirer, d’échanger, d’apporter des solutions et d’ouvrir le débat autour des enjeux climat, biodiversité, circularité, diversité et inclusion. Au travers de panels inspirationnels et orientés solutions, le secteur de l’horlogerie a témoigné de sa transformation vers plus de durabilité notamment dans les chaînes de sous - traitance.
L’ensemble du narratif de la journée était structuré autour des 3 piliers de la Watch and Jewellery Initiative 2030, créée par Kering et Cartier et lancée en Octobre 2021 dans le cadre des Objectifs de Développement Durable de l’Agenda 2030 des Nations Unies ainsi que des 10 principes du Global Compact.
Retour sur cette journée riche en partage et en apprentissage.
Pilier numéro 1 - renforcer la résilience climatique
“Le premier objectif de l’initiative consiste à s’engager dans des actions prioritaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément à l’objectif 1,5°C d’ici 2030, afin d’atteindre l’objectif “zéro émission” d'ici 2050.”
Les derniers mois ont été marqués par les catastrophes naturelles, des records de température et une planète qui appelle à l’aide, si bien qu’il est aujourd’hui difficile de ne pas se saisir de l’urgence climatique.
Selon les différents rapports publiés par les marques au cours des dernières années, entre 80% et 99% de l’impact environnemental du luxe haut de gamme se situe dans le scope 3 de la chaîne de valeur. C’est donc ici que se situe l’enjeu de la transformation des marques mais c’est également ici que l’opacité de la chaîne d’approvisionnement est la plus importante. Or, parler de “net-zero positive” implique d’avoir des données précises afin de pouvoir s’attaquer à une décarbonisation. Une entreprise difficile pour les marques comme l’a rappelé, McKenna Smith, Target Validation Manager à la Science Based Targets Initiative (SBTi), et ce, quel que soit leur niveau d’engagement mais qui ne doit pas pour autant freiner les marques dans leur quête de progrès. La résilience climatique est une épopée qui impose un travail de collaboration et qui doit embarquer l'ensemble des acteurs du secteur, la bonne nouvelle cependant, comme l’a souligné, Andrew Prag, Senior Advisor à la Direction environnement de l’OCDE, c’est qu’il n’est pas trop tard pour agir, et inverser la tendance.
Pilier numéro 2 - préserver les ressources pour la nature et les communautés
“Le deuxième objectif de l’initiative est de s’assurer que les modes d’approvisionnement employés par l’industrie ont un impact positif sur la nature, les espèces et les communautés”
Chaque année, des centaines de milliers d'hectares de forêt sont brûlés pour l’élevage destiné à la production de cuir, des millions de tonnes de déchets plastiques se retrouvent dans les océans, et les sols se retrouvent pollués par les activités extractives, impactant les écosystèmes environnants. Pourtant, comme l’a si bien dit Damian Oettli, Responsable de l’équipe de Marchés, WWF Suisse, lors de son intervention, “La biodiversité, au sens de la nature, est partout.” et elle se doit d'être protégée et régénérée.
Si l’on prend l’exemple des montres plongeuses, symboles des explorateurs, de l’aventure, du voyage, de l’océan, on s’aperçoit très rapidement que le secteur est intrinsèquement lié aux éléments naturels.
Comme a su le souligner, Gérard Bos, ancien Directeur du Programme mondial pour les entreprises et la biodiversité de l'UICN, la biodiversité est devenue le nouveau défi à surmonter pour l’industrie du luxe car sa prise en compte par les marques n’est plus uniquement une obligation morale ou réputationnelle. Qu’il s’agisse de régénération, de contribution, de réduction des impacts ou de la préservation de la biodiversité, les solutions “nature positive” sont amenés à devenir les nouveaux référentiels et auront de plus en plus d’importance pour le secteur financier dans les mois et années à venir, faisant de la prise en compte de la biodiversité par les marques une obligation financière.
Pilier numéro 3 - favoriser l’inclusion dans les chaînes de valeur
“Travailler collectivement pour définir un engagement minimum et identifier les certifications pertinentes pour sa chaîne d’approvisionnement”
Pour des raisons d’impact environnemental, de préservation des ressources, mais également pour des questions éthiques, de nombreuses marques ont décidé, au cours de ces dernières années, de quitter les mines pour se concentrer sur des métaux recyclés. Une pratique qui, selon Sabrina Karib, Fondatrice du Precious Metals Impact Forum, ou encore Marcin Piersiak, Directeur Exécutif Europe, de l’Alliance for Responsible Mining, peut avoir des conséquences sur les mines artisanales. Selon l’OCDE, 50 millions de personnes participent à l’activité extractive à travers le monde, et 20 millions pour la seule extraction aurifère, soit l’équivalent de 500 tonnes d’or par an. Aujourd’hui, il est estimé que 80% de cette main d'œuvre travaille dans les mines artisanales, or quitter les mines artisanales signifie souvent cesser les contrôles sur les conditions de travail, l’utilisation de substances chimiques et la surexploitation des mines, créant encore davantage de dommages sur les populations dépendantes économiquement de ces activités.
Cependant, les risques sociaux pour les marques ne se situent pas uniquement dans le scope 3. Les Millenials, nouveaux consommateurs du luxe sont de plus en plus regardant sur les sujets d’équité, mais également d’inclusion et de diversité, un chemin sur lequel les challenges à surmonter restent nombreux. En effet, si l’industrie du luxe est composée à 70% de femmes, celles-ci restent encore sous-représentées dans les postes à responsabilité tout comme les personnes issues des minorités. Des défis qui, selon Chiara Condi, consultante, activiste et créatrice du podcast The Other Half, peuvent se surmontent aisément par l’éducation des salariés et des dirigeants sur ces questions.
So, what’s next?
Si l’impact du secteur horloger est moindre en raison de la durabilité dans le temps des produits, la montre, en tant qu’objet iconique issu d’une industrie d’excellence se doit de montrer l’exemple et d’exceller dans l’ensemble de ses activités et par conséquent, de surmonter ces défis. Des marques comme Ulysse Nardin, Panerai, Oris, IWC ou encore Jaeger-LeCoultre l’ont bien compris et ont témoigné pour nous, tout au long de la journée, de leur voyage, pour une horlogerie, durable, responsable, inclusive et vecteur de changement. Qu’il s’agisse du choix de leurs ambassadeurs, de leurs recherches pour des matériaux innovants, de leur collaboration avec différentes industries, de leur soutien à la protection d’espèces en danger ou encore de leurs démarches pour plus d’inclusion et de diversité, tous ont pris la mesure des attentes demandées à l’égard.
En voici quelques exemples :
Panerai et son approche stratégique pour réduire ses déchets et son impact sur les ressources naturelles grâce à l’utilisation de matériaux recyclés, de partenariats avec des start-up issues de l’innovation ou encore avec l’industrie pharmaceutique.
La concrétisation dans les faits de cette politique de durabilité n’est ni plus ni moins que la Submersible eLAB-IDTM, constituée à 98,6% de matériaux recyclés.
Ulysse Nardin et sa politique de préservation des océans grâce à son soutien à de nombreux partenariats avec des ONG, universités, pour la préservation des requins, mais également ses initiatives pour réduire la pollution plastique au sein des océans, via le recyclage des filets de pêches ou encore sa politique 0 plastique pour ses emballages.
Une politique qui a fait ses preuves et grâce à laquelle Ulysse Nardin a pu baisser ses émissions de 36% au cours des six dernières années.
Jaeger-LeCoultre et son “Make our time better”, afin de promouvoir davantage d’égalité, d’inclusivité et d’équité au sein du secteur horloger, grâce à divers programmes tels que le Women Leadership Program créé en janvier dernier ou encore son partenariat avec la Fondation Michelangelo pour aider les jeunes artisans à s’insérer professionnellement.
Oris et son Sustainability Report, paru en avril 2022.
Autant d’initiatives qui témoignent de la volonté d’embrasser la transformation aux services d’impacts environnementaux et sociaux meilleurs en favorisant la collaboration avec d’autres secteurs de manière à implémenter davantage de circularité et de mettre les marges de ce secteur au service de l’innovation systémique.
Comme l’a explicité Dr. Bérangère Ruchat, nommée Chief Sustainability Officer du groupe Richemont en février dernier, ajouter de la durabilité à un business model c’est bien, rendre le business model durable c’est mieux, et nécessaire. Or pour cela, les marques horlogères ont besoin d’être accompagnées dans leurs trajectoires durables et dans la réflexion de la mise en œuvre de solutions. C’est la proposition d’Aurélie Streit, Responsable de la Formation à la Fondation de la Haute Horlogerie avec le ”meaningful watch mouvement”, de Watches and Culture.
Il est donc temps pour l’industrie horlogère de prendre toute la mesure de son excellence, et de marquer son empreinte environnementale, sociale et culturelle dans la durée de manière positive. Une responsabilité d’autant plus importante, maintenant qu’elle est classée au patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Depuis que j'ai quitté mon poste de directrice de la RSE de l'une des plus grandes marques de joaillerie, je suis fascinée par la recherche de solutions permettant d'intégrer la justice sociale et environnementale dans les chaînes d'approvisionnement de la mode et du luxe.
C'est une mission difficile, mais un voyage passionnant qui pourrait conduire à un changement systémique, à l'assainissement et à la régénération de l'écosystème, ainsi qu'à un meilleur partage des bénéfices.
Certains pourraient penser qu'il n'y a pas de problèmes de durabilité dans le secteur du luxe haut de gamme - regroupant à la fois la joaillerie et l'horlogerie - en raison de la tradition d'éco-conception des créations. Il est vrai que pour des raisons majoritairement économiques, les matériaux précieux sont rarement jetés ou gaspillés et que les designs et créations sont réalisés dans un souci de longévité et de transmission de génération en génération.
D’autres, comme les activistes environnementaux ou sociaux, accusent le secteur du luxe de greenwashing lorsqu'il prétend être un "luxe durable". Il est vrai que les activités d'extraction de métaux et de pierres précieuses et le très faible partage des bénéfices au sein de la chaîne d'approvisionnement n'ont rien de durable.
Cependant, après avoir remis plusieurs fois en question mon éthique, j'ai décidé que je voulais, grâce à ethiwork, consacrer mon énergie et mes efforts à rendre la justice sociale et environnementale compatible avec la beauté des créations joaillières et horlogères durables. Ces créations célèbrent notre humanité et notre nature, le mouvement pur et l'estime de soi et elles méritent d'être fabriquées avec un soin éthique. Je pense également que le secteur, en raison de son influence culturelle et économique, a une formidable opportunité d'allouer une partie de ses bénéfices à la réhabilitation de notre planète brûlante et épuisée et à la réduction des inégalités dans les pays qui dépendent du commerce des pierres et métaux précieux.
La difficulté rencontrée par le secteur du luxe dans la réduction de ses impacts environnementaux et sociaux négatifs est liée à l'opacité des chaînes d'approvisionnement. En effet, la plupart des pierres et métaux précieux extraient proviennent de pays politiquement et économiquement instables, corrompus et dans lesquels les droits de l’homme ne sont pas une réalité. C’est le cas de Madagascar ou du Myanmar dont sont originaires la majorité des saphirs et des rubis utilisés par l’industrie. De même, c’est en Afghanistan que l’on trouve le lapis lazuli de meilleure qualité et l’un des plus gros producteurs de diamants de mines, Alrosa, est une société russe détenue à un tiers par l’État russe…
Le secteur de l'horlogerie et de la joaillerie, contrairement à l'industrie de la mode, n'a pas eu son Rana Plaza. Malgré le film "Blood diamond", réalisé en 2006, très peu de changements ont été effectués et observés dans le secteur et personne ne sait ni ne comprend vraiment ce qu'est, signifie et fait le Processus de Kimberley. À l'époque, le processus de Kimberley était une initiative importante et nécessaire, mais elle n'a pas permis de résoudre les problèmes du marché. Depuis que le conflit russo-ukrainien a débuté en février dernier, l’actualité nous donne une parfaite illustration des limites de ce processus à relever les véritables défis auxquels est confrontée le secteur. À titre d’exemple de la définition lente et complexe des diamants russes en tant que “diamants de sang”. Pour plus d'informations sur ce sujet, je vous invite à lire cet article du New York Times qui met en évidence les failles du système actuel.
Par ailleurs, si pour la plupart des pierres précieuses, la qualité est garantie par des certificats spécifiques - tels que IGI, GIA - très peu sont certifiées afin de garantir des critères environnementaux et sociaux. L'origine des mines n'est pas dévoilée et il y a très peu de garanties sur la protection sociale et environnementale. Une certification RJC est souvent la seule garantie qu'une marque puisse revendiquer mais qui sait ce qui se cache réellement derrière le code de pratique, ses critères et engagements... Le marché des diamants et pierres précieuses est tout sauf traçable et transparent ! La raison principale à cette opacité étant la tradition de vendre les pierres précieuses par lots.
Oui, la blockchain a apporté des changements positifs, mais il a été difficile de lier le passeport numérique aux pierres. Oui, le Responsible Jewellery Council a évolué dans la bonne direction avec sa certification du code de pratique, mais il est certain que le développement du marché des diamants de laboratoire a remis en cause le statu quo.
La plupart des producteurs de diamants de laboratoire ont adopté la norme SCS-007 Sustainably Rated Diamond Standard développée par SCS Global Services, qui assure une véritable traçabilité de l'origine avec des garanties sociales et environnementales et intègre une approche zéro carbone. Toutefois, la mise en œuvre de la certification SCS-007 pour les diamants naturels reste un défi : la plupart des producteurs de diamants n'étaient et ne sont toujours pas disposés à divulguer l'origine de leurs mines. Petite anecdote, De Beers utilise la revendication de l'origine Botswana même pour des diamants extraits dans les fonds marins au large de la Namibie.
Outre la certification SCS-007, deux innovations récentes brisent le statu quo et poussent à une traçabilité toujours plus forte : la solution Sarine mise en place par Boucheron sur une partie de sa chaîne d'approvisionnement et la solution Clara développée par Lucara en partenariat avec Sarine, qui met fin à la tradition des lots et promet une traçabilité de la mine à la vitrine.
Autant d’innovations qui ouvrent la voie à de meilleures pratiques et qui, j’en suis convaincue, permettront au secteur du luxe de revendiquer un impact net-positif sur la planète et sur l'humanité par des actions réparatrices, la réhabilitation des écosystèmes et des approches inclusives. C'est la raison pour laquelle ethiwork crée et soutient des initiatives susceptibles d'entraîner des changements positifs, comme la Watch & Jewellery Initiative 2030, l'Association de la Joaillerie Engagée, le Watch Forum ou encore le Conscious Festival.
Pour aider les marques à embrasser davantage leur responsabilité, ethiwork a développé des formations spécifiques ainsi qu’une plateforme rassemblant les meilleures solutions et innovations pour mesurer, maîtriser, réduire, régénérer, atténuer les impacts sociaux et environnementaux.
Rejoignez-nous et soutenez notre mission au sein du secteur du luxe et la mode pour :
Connaître l’origine
Améliorer l’approche de l’impact social et environnemental tout au long de la chaîne de valeur
Communiquer sur le pourcentage du chiffre d’affaires alloué à la réhabilitation et à l’approche inclusive
Garantir une chaîne d’approvisionnement transparente et traçable jusqu’à l’origine
Encourager une approche de partage et d’équité avec les fournisseurs
Partager les efforts faits pour de véritables pratiques durables et circulaires
Créer, améliorer et encourager les coalitions
Préserver les savoir-faire et le patrimoine immatériel
Créer de nouveaux imaginaires pour donner plus de sens et de conscience à l’artisanat
Encourager les contributions positives
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credits : What is on the other side of gold is the same as what is on this side, Flore Saunois, 2021
Céline Dassonville